« On est ensemble »
A toi, Jean-Louis, très cher et grand ami,
Comme tu le sais, notre amitié s'est construite au fil des jours et des missions partagées en Centrafrique ou en Belgique.
Elle a démarré comme une graine de moutarde jetée en terre, et a grandi au fil du temps et des latitudes.
Je ne me souviens plus guère de notre première rencontre, assurément à Paris au Secours Catholique, au Département Afrique où nous étions l'un et l'autre bénévole puis collaborateur.
Nos itinéraires, réciproques, se sont enrichis à chacune de nos rencontres, de notre temps ensemble. Vifs nos échanges, engagées nos discussions, fécondes, sur nos chemins ici ou là. Tu as su renforcer mon amour pour l'Afrique.
Jean-Louis, tu as été pour moi un signe de que signifie l'engagement éthique et responsable. Sans renoncement, avec gratuité. Combattant et combattif face aux inégalités dont souffrent nos humanités, tu as dit oui (après un peu de discernement ignatien) lors que je t'ai parlé du projet de la Fondation Josefa ; tu t'y es engagé sans failles et fidèlement. Sans toi, sans notre « ensemble », Josefa aurait eu moins de force à naître. Tu as veillé sur Josefa, tu l'as portée à ta manière, tu l’as accompagnée dans son développement.
Et, de fait, toi le compagnon fidèle, tu t'es rendu présent. Présent à mes côtés et moi aux tiens afin que cette folie, qu'était la création de Josefa, prenne corps et esprit.
« Tous migrants » : tu as souvent eu un peu de mal à entrer dans cette vision, toi l'homme porté davantage vers une charité exercée auprès des plus « vulnérables ». Pour toi, le migrant demeurait globalement l’autre qui a besoin d’être aidé. Mais, parfois, au fil de nos discussions, des nombreux textes que tu as écrits et relus pour Josefa, tu entrais en profondeur dans la vision Josefa, reconnaissant ta propre migration, ta condition d'être migrant.
Ce lundi 6 février 2023, tu as entamé une ultime migration vers Celui que toi et moi reconnaissons comme Père.
Ensemble, souvent, nous avons parlé de théologie, d'Eglise et, toi comme moi, nous étions des hommes en perpétuel questionnement. Notre amitié, grande, nous permettait d'aller au loin dans l'intimité de nos échanges : que de débats, de disputatios qui, je pense, nous amenaient à grandir, toi comme toi, ensemble, dans notre foi chrétienne, humaine.
Pour moi, tu incarnais l'image de la soumission, au sens d'une fidélité, fidèle et libre, à un Autre, et aux autres dont moi qui t'aies côtoyé. Quel beau message que ta manière d’être au monde.
Au-delà de ton jeune âge, bien au-delà de ce que certains appellent « retraite », jamais, tu ne renonçais dans les tâches du quotidien (quel artisan tu étais) comme dans tes engagements plus sociétaux ou politiques (quel homme de convictions tu étais).
Tu es un témoin, et un passeur, et tu le resteras, pour beaucoup, et pour moi en particulier.
Outre ta proximité, comme moi, (autre point de connivence entre nous), mais à ta manière, avec la Compagnie de Jésus, tu avais de fait essentiellement une grande attention et une constante affection pour ta famille, pour Marie Thérèse, pour vos enfants. Nous en avons beaucoup parlé. La famille était vitale, pour toi.
J'oserais ajouter que tu étais un homme de prière : là encore, quel exemple.
A ta manière, tu étais, par-delà quelques certitudes discutables (ce que nous avons grandement fait), un homme d'ouverture, de disponibilité et d'étonnement. Merci : j'ai pris, grâce à toi, un peu de cette graine.
Aujourd’hui, tu nous ouvres une nouvelle voie, celle de l'amitié à distance, plus spirituelle. Une autre migration. Je me mets à ton écoute, à l’écoute de ce beau silence qui t’enveloppe. Toi, homme d'écriture et de paroles, continue à nous communiquer ton sage esprit.
Merci pour tout ce que tu as apporté par ta vie terrestre. L'éternité n'est pas de trop pour un homme engagé comme toi. Belle et féconde migration vers Celui qui t'accueille.
Jean-Louis, ami, frère, compagnon, tu t’es éloigné discrètement mais, à jamais, tu demeures proche.
« On est ensemble », comme tu aimais le répéter.
Gilbert