Bernard,
J’ai appris que tu ne reviendrais plus jamais à la Maison Josefa où tu résidais, le 21 mars 2023, le jour du printemps, le jour où le vivant revient nous rendre visite pour nous signifier, par cette récurrence, par ses fréquentes incursions dans nos vies, qu’il est éternel.
Ici, Bernard, c’est l’heure du jaillissement de la nature, et malgré sa beauté inégalable, ce n’est que la manifestation timide de son existence pleine, entière et pérenne, dans un ailleurs impalpable … et toi, tu as préféré cette éternité à ces bouts de vie intermittents, empruntés à nos petits corps périssables.
Bernard, tu étais un papa d’amour comme j’ai rêvé en avoir un …Attentif aux besoins de Moses, ton fils de 9 ans. Très tôt, tu as détecté qu’il appréciait le piano et tu l’as inscrit dans une académie de musique. Tu étais doux, délicat et calme avec ton enfant et, en lui, germe dorénavant la semence d’une paternité aimante et patiente.
Parfois aussi, pour en terminer avec des « chamaillotteries » liées à la logistique des espaces communs de la Maison Josefa, tu proposais des hugs…
Tu étais un bel homme dans la force de l’âge, Bernard, et tu t’en vas après avoir rencontré une femme qui te soutenait dans tes démarches en justice.
Démarches qui t’auraient permis d’exercer enfin ton droit de père, ton droit de reliance à ton enfant, de chérir Moses…
Sois en paix, ne t’inquiète pas Bernard, ta présence, même, assurément trop éphémère à ses yeux, l’aura nourri intensément et ton fils sera, à n’en pas douter, un homme intègre, sensible et juste.
Bernard, ta chambre est vide…j’ai glissé, il y a quelques semaines, une enveloppe, ouverte par inadvertance, sous ta porte…Ce voyage que tu devais entreprendre vers Montréal, après le souper collectif du 20 février, à la maison Josefa où nous avons mangé ensemble, t’a finalement conduit à Johannesburg, ta terre natale, et est devenu plus long que prévu. La carte postale que nous attendions de toi ne nous parviendra jamais.
Lors de ce repas, tu as remercié à plusieurs reprises le responsable de la Maison Josefa de t’avoir accueilli alors que tu étais en instance de divorce.
Plus personne à protéger. Rien à gagner ni à perdre désormais. Rien à espérer. Tout est là.
Ton radieux sourire et la lumineuse, bienveillante et bienfaisante vivance dans laquelle tu baignes maintenant, nous accompagnent.
Plus personne à combattre. Rien à attendre ni à projeter désormais. Rien à chercher. Tout est là.
Plus personne à aimer Bernard car tu es amour, tu es dans les bourgeons et les fleurs, dans les pierres précieuses qui te fascinaient, dans les nuages blancs, dans la pluie qui arrose, dans le vent qui souffle et emporte les graines…
Rappelle-toi, Bernard, nous avions chanté ensemble (avec Mélodie et Lodewijck) le chant gospel de liberté : « Oh Freedom ». Tu portais, ce soir-là, un tee-shirt sur lequel était imprimé le visage de Nelson Mandela.
Une pensée à ta chère maman qui vous a élevé seule, toi et ton frère, là-bas, en Afrique du Sud.
Paix à toi, Ukuthula, Bernard Mukeba Kalenga.
Nadia