Nos migrations miroirs de notre humanité

Un miroir a pour ambition de refléter l’image qui lui est présentée. Ainsi, au niveau sociétal, les catégories sémantiques permettent, selon la vision de certains individus ou institutions, de représenter, signifier, voire de figer quelques « identités », à l’image de celle de « migrant »…

Le risque éprouvé est de surcharger, de connoter la représentation et qu’ainsi, un groupe, souvent une minorité, s’octroie le droit, le pouvoir, de faire le jeu de son propre miroir. Et, dès lors, certains d’entre nous, au nom d’une pensée bien éclairée, « européenne », s’il en est, décident de représenter autrui selon un groupe prédéterminé : « migrants ». Ce modèle de « miroir » révèle ainsi une approche tendancieuse, avec deux faces : une, voulue objective, humaniste qui qualifie un groupe, un individu, selon des caractéristiques particulièrement « significatives » ; une autre, plus subjective, plus tendancieuse, communautariste, qui éloigne de soi une catégorie « problématique », selon la vision d’un développement voulu idéal.

Les « migrants », comme hier d’autres catégories sociales, noirs, juifs ou… esclaves (à chacun d’utiliser ici son propre miroir) semblent présenter, refléter une tare, un manque, un problème et devraient être soit tenus à distance, soit formés, intégrés, pour ne pas dire assimilés à des vertus dites humanistes, pire, prétendues universelles, que ces mêmes « migrants » auraient donc perdues et qui devraient leur être inculquées. L’Europe en son histoire n’aurait-elle pas déjà vécu de telles « expériences » ?

Apparait alors un autre effet miroir. La « bonne société » hôte (l’Europe qui subirait des coups de butoir de la part de ces dits « migrants ») se voit positivement, pleine d’empathie, de compassion, au secours d’une population dite « vulnérable » ; et, effectivement, souvent, les personnes qui connaissent une migration forcée expriment des attentes d’accompagnement à la vie, à la survie. Mais, cette « bonne société occidentale », riche de son modèle, oublie étonnamment que c’est elle aussi qui propose des programmes d’externalisation, d’éloignement, de renforcement des contrôles des frontières lesquels empêchent la mobilité des populations. Serait-ce au nom des mêmes valeurs humanistes si chères aux Lumières ?

Autre exemple interpellant : certains s’appliquent, s’acharnent à penser l’« intégration des réfugiés ». Démarche légitime, d’un certain point de vue. Mais, ces mêmes personnes ou institutions le font « pour quoi » et au nom de quoi, ou de qui ? Si elles en venaient à s’expatrier, à s’exiler, accepteraient-elles d’être obligées de parcourir des chemins d’intégration vers des valeurs tout aussi valables que les leurs, au nom d’un humanisme universel, qui leur partageraient des aspects nobles de traditions, de cultures, de religions que beaucoup dénoncent comme obscurantistes dans nos contrées occidentales ?

La question se pose simplement : qui décide ce qui est « bon » pour autrui, pour soi ? Moi-même ou un autre. Certes, la décision, politique, est hypothétiquement recevable (légitime ?) ; mais, dans le cas de nos migrations, libres ou contraintes, quel est le fondement universel auquel se référer de manière unanime et durable ?

En clair, ne sommes-nous pas, nous tous, singulièrement, miroirs, à part égale et complexe, de notre humanité, pour nous-même, au gré de nos migrations, dans le temps et dans l’espace ?

Qui suis-je donc pour penser autrui objet « migrant » et moi sujet de l’orientation d’un miroir qui tendrait à refléter la meilleure image de ma personne, et, dans le même temps, par jeu d’orientation à donner une image un peu terne de « migrants », vulnérables, empêtrés dans des attaches que je jugerais bon de délier ?

Eh bien, en nouvelle année 2018, Josefa nous invite simplement à faire miroir de nos migrations, sous un regard universel de migrant que je suis et que d’autres sont avec moi : tous migrants.