Migrant(s) et sécurités sociales

A une époque où la question de la sécurité collective ou communautaire est plus que jamais mise en avant (au gré des avancées technologiques et de leur emprise), il semble intéressant de se questionner sur cette notion dite de « sécurité sociale » en vis-à-vis de nos migrations … 

En quelque sorte, une sécurité qui se voudrait sociale en deviendrait-elle un « paradis » lorsqu’il s’agit de prendre la mesure de nos libertés migrantes ?

Et de fait, ne faudrait-il pas davantage parler de sécurités sociales, diverses, mouvantes que d’une sécurité sociale tournée ou portée au crédit de quelques privilégiés au sens où leur sécurité commencerait quand/où finit celle des autres ?

Qui plus est : comment articuler ma « sécurité » sociale en son unicité avec la sécurité sociale des autres ? Les sécurités en devenant parfois in-sécurités. Comment laisser vivre ces (in-) sécurités ensemble (singulièrement, particulièrement ou universellement) ?

Dès lors, il serait possible d’envisager la sécurité « sociale » comme une voie in-finie au gré du champ de nos migrations en lien avec une sécurité dynamique, migrante, unique (renouvelable) : nos migrations, révélatrices de nos « in-sécurités sociales », elles-mêmes, sources ou fondements de possibles sécurités renouvelées et renouvelables.

Sécurité du côté du sujet, du singulier ; social du côté du particulier, du collectif. Entre les deux, par-delà les deux, en les deux, nos migrations en sont chaque fois uniques, chaque fois nouvelles.

Ladite « sécurité sociale » serait-elle à recevoir comme frein ou comme garant ? Car il s’agit bien d’appréhender nos sécurités sociales au miroir de nos migrations, tout en cherchant à en « définir » les enjeux et les termes. Selon le point de vue, la sécurité sociale peut être réduite à un enfermement social ; et, alors, nos migrations apparaissent comme une sortie, un au-delà, de cette sécurité limitante.

La sécurité sociale se voit-elle comme support pour une société, close ou bien ouverte ? Une sécurité sociale dynamique, sensible à nos migrations, à vous, à moi, à nous, ou bien non. Une sécurité sociale au risque, au défi, de ma sécurité... ?

Nous pourrions dire que la tension entre migration et sécurité sociale se dissipe si est clairement préservé le respect de chacun en son unicité sociale ; ce qui aboutirait alors à ce que migration devienne un véritable objet social jusqu’à construire, voire déconstruire, notre sécurité acquise ou a priori.

En quelque sorte, pensons-nous sécurité sociale comme une sécurité de contrainte ou bien de service ? Enjeu d’utilité, de pragmatisme ou de construction : quel enjeu pour nos migrations, voire pour la migration, versus nos « sécurités » ?

A cet endroit, le passage peut se faire de nos migrations à ma migration, unique, source de ma sécurité. En quelque sorte une voie possible d’individuation.

De fait, si la sécurité s’entend « socialement », je suis potentiellement en question dans ma sécurité personnelle, singulière, en raison de contingences (internes ou externes : maladie, violence…) qui m’affectent : la sécurité ne m’est sociale qu’en vertu de « mon unicité ».

Unique, chaque migration est recherche de « mise en sécurité » pour soi, pour tous. Certes, ma migration est une défiance à ladite sécurité sociale.

En fait, plutôt que de parler de « sécurité sociale », il s’agirait de parler de migration d’un corps dit « sécurité sociale » tout en en soulignant alors la dimension politique : un enjeu d’autorité déborde « ma sécurité sociale ».

Ensemble, en sécurité/in-sécurité(s) migrante(s) : s’agit-il de préserver un conservatisme des acquis ou d’ouvrir davantage le socle de possibles à chaque fois déstabilisé ?

Dans sa diversité de formes, notre sécurité se déploie durablement sur le socle de nos migrations, sources de « relations sociales », internes ou externes. Ici, nous pourrions glisser une interrogation sur la notion de « sécurité » : temporelle ou spirituelle, physique ou intellectuelle ?

Si notre condition migrante questionne nos sécurités, c’est avant tout affaire de frontières à dépasser ou pas. L’en-jeu se situe, entre autres, entre soi(s) : espace/passage de migrations à migrations, au sein de l’exercice de notre Bien commun ; il n’y a de social au sens de l’existence que de soi ; un Bien commun qui commence réellement par soi.

En conclusion, nos migrations sont et font (car défont) notre sécurité… sociale et plus largement culturelle.

Une authentique sécurité-sociale prendra le risque de migrer, de déconstruire une pseudo « sécurité sociale » ; en quelque sorte à chacun sera donnée une « forme » de sécurité sociale.

C’est dans cet espace préalablement, naturellement « vide » qu’est la vraie « sécurité sociale » ; c’est au prix de la préservation d’une migration encore possible, de soi, de nous, que se dit la sécurité « sociale », en construction toujours.

La « sécurité sociale » n’est pas une fin, ni même un moyen mais une voie de transformation possible, de migration, d’individuation. Elle n’est ni sociale, ni pas sociale : elle est mouvante et ajustable, actualisable à la mesure de chacun, vivant. Mais, elle ne peut se figer au risque de devenir insécurité sociale.

Notre véritable in-sécurité sociale ne peut se penser qu’en l’étendant à nos migrations. Sécurité sociale : vivante à l’unique condition d’être pavée de toutes (bonnes ou mauvaises) nos migrations.

Gilbert