Quitte ton pays, ta patrie, ta famille…

Par-delà les religions, juive, chrétienne, musulmane, dont il est l’ancêtre, Abraham est l’archétype du migrant, celui qui, sur injonction divine ou pour tout autre motif, quitte son pays, sa patrie, sa famille et se met en route vers un pays promis ou rêvé, mais inconnu…

Cependant, la Fondation Josefa veut dépasser ce déplacement dans l’espace que choisissent ou subissent certains d’entre nous, généralement dénommés « migrants ». Convaincue que même les sédentaires qui n’ont pas été ou ne sont pas amenés à migrer physiquement sont également migrants, la migration faisant partie de la nature humaine, elle élargit ce qualificatif à tout être humain : sédentaires ou mobiles, nous sommes tous migrants.

Qu’est-ce à dire ? Au premier degré, il est certain que, surtout aujourd’hui, il est rare que quelqu’un demeure toute sa vie dans son lieu de naissance et demeure dans un même lieu de résidence : les mobilités professionnelles, de plus en plus fréquentes, vont de pair avec les déménagements. Par ailleurs, si nous-mêmes, par hasard, n’avons jamais été amenés à changer de logement, ce sont souvent nos parents qui viennent d’ailleurs, soit d’une autre région, soit d’un autre pays. Ainsi, globalement, la population d’un pays est migrante et l’humanité, dans son ensemble, est nomade depuis l’origine.

Mais, surtout, c’est dans notre vie personnelle, à l’intérieur de nous-mêmes, que se situent des déplacements fondamentaux, même si certains sont invisibles. Déjà, la biologie nous l’apprend, nos cellules sont en constant renouvellement, même si celui-ci se ralentit avec l’âge, changement qui retentit sur notre psychologie comme sur notre physique : les photos sont là pour nous le montrer. Comme dit plus haut, il y a aussi les changements d’activité professionnelle qui nous emmènent vers de nouveaux métiers, lesquels modifient nos comportements, nos façons de faire, même nos relations avec les autres : ainsi, nous changeons. Mais, surtout, il y a notre cheminement personnel, tissé du jeu des relations, nouvelles ou rompues, qui viennent nous modifier, tout ce qui pénètre en nous par nos sens, notre activité intellectuelle, nos apprentissages comme nos oublis, qui nous transforment et nous font évoluer : ainsi, restant nous-mêmes, nous devenons différents tout au long de notre vie selon des chemins et des cheminements personnels.

Si on prend au sérieux le sens des mots, rien n’est pire que d’entendre une personne prétendre qu’elle a des « idées arrêtées ». Bien sûr, il n’est pas question de nier l’importance de nos convictions et des valeurs auxquelles nous croyons ni de faire de nous des girouettes tournant au souffle des dernières informations du web, des médias, ou de la dernière personne rencontrée. Mais, avoir des idées arrêtées, c'est-à-dire qui ne bougent plus et ne peuvent pas évoluer, c’est s’interdire de changer et de progresser dans ses connaissances, dans son expérience, dans l’ouverture à l’inconnu, de se laisser surprendre par l’inattendu et l’inédit : c’est anticiper sa mort tout en restant vivant.

Ainsi, quelle que soit la façon dont chacun de nous évolue, la vie même fait de nous tous des migrants permanents et, selon cette approche fondamentale que propose la Fondation Josefa, nous permet de nous laisser étonner, toucher, sans crainte ni appréhension, par l’itinéraire plus ou moins tumultueux de ceux que les médias, les politiciens et nombre d’acteurs sociaux ou économiques, voire culturels ou confessionnels regroupent sous le nom de « migrants ». Par-là, nous sommes tous frères en migration.