Migration en Europe

Pourquoi l'Union Européenne hésite-t-elle à aller vers une reconnaissance mutuelle des décisions d'asile ?

Ce serait une étape importante et significative pour construire un système d'asile européen commun…

Ce serait aussi assumer l'application d'un statut uniforme pour tous les bénéficiaires d'une protection internationale, comme demandé par le Programme de Stockholm de 2009, dans le domaine de la Justice et des Affaires intérieures. Il faut noter que ce programme a maintenant été remplacé par de nouvelles orientations stratégiques adoptées lors de la récente réunion du Conseil européen des 26 et 27 Juin 2014 et ce, pour les cinq prochaines années,

Une fluide mobilité des personnes (liberté de mouvement) intra-Union Européenne représente l'un des principaux acquis de la construction européenne, malgré un itinéraire en deux étapes dans le système Schengen (la Bulgarie et la Roumanie n’y participent pas encore pleinement) et malgré le fait que les États membres de l'Union Européenne ont récemment réintroduit la possibilité de limiter la libre circulation des personnes face aux risques de trouble à l'ordre public (en rétablissant alors les contrôles aux frontières, pour une durée limitée). Ces restrictions ont été admises au sein du système après les « printemps arabes » qui ont poussé des dizaines de milliers de personnes du Nord et l'Ouest de l’Afrique à tenter de rejoindre les côtes italiennes puis à poursuivre leur périple vers d’autres pays européens. Cette situation a déclenché un vent de panique dans la sphère politique et, dans une certaine mesure, a amené des États membres à demander des dérogations au principe de la liberté de circulation des personnes au cœur de l’Union Européenne. Ils ont obtenu gain de cause en théorie, mais une approbation de la Commission Européenne demeure nécessaire pour une mise en pratique.

Pourtant, cette liberté de mouvement dont bénéficient presque tous les citoyens européens, y compris les résidents réguliers non européens, ne s’applique pas aux 1,5 million personnes réfugiées résidant légalement dans les 28 États membres de l'Union Européenne, ni, de fait, aux personnes qui ont obtenu une reconnaissance statutaire en 2013, soit environ 250 000 personnes réfugiées pour l'Union Européenne. Certes, ces personnes ont obtenu, par le biais de leur statut de réfugié, une résidence à long terme, mais, toutefois, limitée au territoire national où leur demande d'asile a été traitée de manière positive. Pour autant, souvent, ce territoire n’est pas un pays de premier choix ou une priorité en tant que lieu de destination, pour la personne réfugiée.

Ainsi, il est difficile d’accepter et de comprendre qu'une personne réfugiée dont les droits ont été accordés, par exemple, en Pologne, alors que sa famille vit aux Pays-Bas, ne soit pas en mesure d’obtenir le droit de vivre aux Pays-Bas où sa vie serait assurément plus sereine, et où son potentiel d'insertion serait, assurément, rendu plus pérenne, pour elle-même pour son pays hôte. De même, un réfugié vivant en Lituanie, mais qui pourrait trouver un emploi décent au Royaume-Uni, parce que ses compétences et son expertise y sont recherchées, devrait être en mesure de s’y déplacer et de s'y installer, de la même manière que les autres citoyens de l'Union Européenne peuvent le faire. Ces pays et ces exemples sont à considérer comme des éclairages sur des situations dont il serait bon de tenir compte.

Pour l'instant, les réfugiés doivent attendre de devenir résidents (non réfugiés) de longue durée et/ou demander à être naturalisés dans leur pays d'asile, avant de pouvoir bénéficier de la liberté de circulation au sein de l'Union Européenne, et alors, et seulement alors, d’être en mesure de s'établir librement dans un État membre autre que leur premier État d'accueil.

Pour que le régime d'asile européen commun devienne une réalité du 21ème siècle, un système commun d’octroi des décisions de reconnaissance mutuelle du statut de réfugié doit être pensé et mis en place. Certes, des Etats peuvent craindre, légitimement, que cette liberté, une fois accordée, puisse attirer beaucoup de personnes réfugiées dans certains pays de destination « privilégiée ». Ce défi encourage les États à un déplacement des accords de partage de la responsabilité en matière de demandes d'asile. Ces préoccupations doivent être prises au sérieux afin que la construction d'un système d'asile européen communsoit fondée sur le principe de l'équité et de l'égalité pour tous, en particulier pour les pays d'accueil. Toutefois, les craintes pourraient être atténuées en intégrant des approches réglementaires évolutives dans le système de reconnaissance mutuelle. On pourrait envisager par exemple que, dans un premier temps, seules les personnes réfugiées ayant des liens familiaux forts et des possibilités d'emploi réelles et concrètes soient autorisées à se déplacer et à s'installer dans un autre pays de l'Union Européenne. Le transfert des responsabilités en matière de protection serait alors utile et juste pour la personne et pour les Etats, tant au départ de la personne qu’à son arrivée dans son pays de destination. Les bénéfices seraient partagés : pour l'Etat de départ, car il y a une dichotomie entre une personne présentant un potentiel certain d'insertion et une faible motivation pour demeurer dans le pays, et pour l'Etat de destination, car la conjugaison du potentiel et de la motivation contribuera à la nouvelle société hôte. Cela apparait comme une situation gagnant-gagnant à plusieurs niveaux. De même, un système de transfert progressif des responsabilités de protection pourrait être élaboré entre le premier et le deuxième pays d'accueil. Plus profondément, l’enjeu est une reconnaissance mutuelle et réciproque entre les Etats et surtout entre les personnes, y compris les personnes réfugiées, de leur droit à assumer leur libre responsabilité citoyenne, européenne.