La migration : une nouvelle manne diplomatique ?

A croire que le monde diplomatique s’ennuyait du temps où la migration n’existait pas. Que faisaient nos représentants à l’étranger avant l’ère de la migration ? D’aucuns affirment pourtant que la migration est affaire humaine, depuis la nuit des temps, depuis que l’homme est homme. L’homme est par nature migrant, en migration. C’est d’ordre ontologique. Migrer c’est tout simplement vivre, disons-nous à Josefa

Et pourtant, le zoom de nos temps modernes se focalise bien, dans tous les agendas, sur le « phénomène migratoire » que nous semblons tendre, paradoxalement, à découvrir comme un fait nouveau. Le curseur des médias, des politiques, des organisations internationales est placé sur ceux qui bougent, qui se déplacent, qui pour trouver refuge, qui pour tenter de vivre mieux, voire survivre, pour eux-mêmes ou pour leurs proches.

Mais qu’y a-t-il de nouveau sous le soleil ? En des temps anciens, l’étranger était celui à qui on laissait un couvert, au cas où il apparaitrait au seuil de la porte. Le même soleil au 21ème siècle, mais plus le même étranger. Celui-là est devenu l’objet de toutes mes craintes, de mes suspicions, voir la cause de mes ennuis et de mes inquiétudes. Certes, le présent a ses raisons, dans l’histoire en particulier. Nous sommes devenus états nations, bordés de frontières, elles-mêmes produits souvent fortuits, voire incongrus, de l’histoire des hommes et de la géographie de leur planète : ma nation, mon pays ; ma marque de fabrique, mon étiquette. Ainsi, nous définissons-nous, au 21ème siècle, nonobstant l’Europe, les nations unies, la globalisation. Frontières à ne pas franchir.

Nos représentants à l’étranger ont fort à faire, semble-t-il, à ne pas mettre le couvert pour l’hôte inattendu. Leur priorité est devenue de gérer, voire contrôler, contenir, stabiliser les mouvements de ceux qui passeraient par là ou de ceux qui seraient tentés de démarrer un mouvement, depuis là où ils se trouvent.

Ce nouvel objectif international, qu’il vise ou non à favoriser le mouvement des uns ou des autres, est devenu prioritaire, par-delà d’autres objectifs, semblerait-il, tels le trafic des armes, d’argent sale, de drogue qui font pourtant, proportionnellement, beaucoup plus de victimes. On peut en effet légitimement se poser la question : comment quelque 220 millions (statistiques OIM 2016) de personnes sur quelque 8 milliards (3%) que la planète terre porte et supporte, font tourner à ce point la tête du monde et des diplomates ? Sous tous les prismes possibles et imaginables : sécurité, gestion, intégration, sociologie, éducation, terrorisme, emploi, cohésion sociale, culture, langage, prévention, résolution des conflits, droits humains, arts, commerce, diasporas, agriculture, énergie, luxe, gastronomie…, ces derniers, les « migrants » ou les « réfugiés », mobilisent une telle attention, de tels investissements, de tels efforts. Les Nations Unies (réf. Sommet de septembre 2016), la Banque mondiale, l’intergouvernemental, l’inter régionale, l’UE, l’UA, le bilatéral, les fonds fiduciaires... tout est mobilisé sur l’autel de la migration. Les relations internationales semblent être largement dominées, depuis quelques années, voire paralysées dernièrement, par cette « affaire », qui étonne par sa disproportionalité.

C’est à se demander la véritable légitimité d’une telle attention. Le monde s’ennuie-t-il autant ? Les « migrants », nouvelle « cible » du 21ième siècle, en font en tout cas les frais, attirant sur eux les feux de la rampe et les foudres des capitales politiques, aux dépens d’autres « sujets », non moins délicats à aborder car touchant aux causes profondes de certains de ces mouvements migratoires.