Itinéraire d’une personne réfugiée

Sans doute, la Maison Josefa a-t-elle choisi d’accueillir en particulier des personnes réfugiées pour favoriser leur insertion dans la société belge où elles souhaiteront s’installer et construire leur vie durablement…

Même si la Maison Josefa ne se rend pas directement proche de « personnes en situation irrégulière », elle n’ignore pas l’itinéraire douloureux, souvent périlleux, commun à la plupart de ceux qui parviennent jusqu’en Europe, en Belgique, au prix et aux risques d’innombrables dangers, avant d’obtenir, pour quelques-uns, un statut de réfugié ou de voir, pour un plus grand nombre, leur demande d’asile rejetée et de verser souvent dans « l’irrégularité ».

Après la décision, difficile, de quitter son chez soi et de partir, c’est la séparation, convenue ou clandestine, avec la famille ; puis, pour la plupart, la traversée, sur toutes sortes de véhicules, de régions arides, voire de déserts, où certains, déjà, laissent leur vie ; ensuite, les éventuels boulots dans les pays de transit pour assumer les frais de transport ; le racket et le chantage des passeurs ; l’entassement dans des embarcations de fortune ; la traversée, sous le soleil et la pluie, sans autre protection que le ciel ; la faim et le froid ; l’eau et la nourriture parcimonieux ; les naufrages avec leurs milliers de noyés…

Dans le pays dont ils ont « rêvé », quel accueil attend alors les rescapés ? Ce sont les files d’attente et les longues procédures administratives avec l’incertitude de la réponse à la demande d’asile. Le cadre administratif d’accueil dans les pays de l’Union Européenne se fait de plus en plus restrictif : c’est vrai, l’Europe « ne peut pas accueillir toute la misère du monde... ». Mais, le durcissement des réglementations et des législations tend davantage vers des mesures répressives qui ne répondent pas à la pression de la migration laquelle risque de devenir de plus en plus incompressible. En vue de renforcer le dispositif Frontex qui visait à contrôler les mouvements migratoires, en octobre 2014, sous le nom de « Mos Maiorum » (coutumes des anciens), avait lieu une grande opération policière à l’échelle européenne. Son objectif était de contrôler des centaines de personnes afin de collecter diverses informations en vue de renforcer les politiques face à la migration : quelles informations ? Pour quel usage et quelles destinations ?

L’opinion publique des pays européens ne se montre pas plus favorable, pesant même sur les pouvoirs politiques pour limiter la migration, quand elle ne pousse pas à l’expulsion des étrangers avec une xénophobie manifeste. Il y a d’ailleurs une interaction entre les opinions publiques et les décisions politiques en matière de migration, dans une espèce de jeu de miroirs, les unes amplifiant les autres. Mais qu’en pensons-nous ? En dehors des sondages, allant dans le même sens, les résultats de consultations politiques récentes dans plusieurs pays européens sont un bon indicateur de la tendance : c’est le repli identitaire et sécuritaire qui s’impose de manière dominante et croissante. En gros, aussi bien pour les pays que pour les citoyens autochtones, le migrant, l’autre, représente un danger multiforme : il fait donc peur.

Même si elle ne sous-estime pas la problématique que posent les migrations dans le monde contemporain, la Fondation Josefa, avec d’autres, est convaincue que, loin d’être une menace pour nos sociétés, le réfugié, l’étranger, accueilli comme il se doit, c’est-à-dire avec le respect et la dignité dus à tout être humain, apporte au pays hôte la richesse de sa personnalité, de sa culture, de sa compétence, de son expérience, y compris de la migration qu’il a vécue. La vulnérabilité même du réfugié peut ébranler nos assurances et nos trop grandes certitudes fondées sur les performances techniques de notre civilisation et nous révéler notre propre vulnérabilité : ne sommes-nous pas tous mortels et égaux devant la mort qui ne fait pas de distinction entre riches et pauvres, entre étrangers et autochtones, « tous migrants » ? La rencontre de cet autre, en vérité, nous appelle à élargir notre esprit et notre cœur, trop souvent occupés et préoccupés par des soucis immédiats et parfois dérisoires. Elle nous invite à modifier nos jugements personnels et à abandonner nos préjugés, à modifier nos comportements, en un mot, à renouveler, réciproquement, notre regard. Elle nous invite aussi à descendre aux soubassements de nos sociétés pour collaborer, avec d’autres, heureusement nombreux, à éradiquer les racines d’indifférence, de méfiance, de peur, de racisme, de haine qui les minent.

C’est la raison pour laquelle, la Fondation Josefa a choisi d’implanter, non pas en périphérie de la ville, « ghettos » où sont souvent relégués les « communautés immigrées », mais au cœur de Bruxelles, au cœur de l’Europe, la Maison Josefa qui accueillera prochainement, avec des personnes non rendues vulnérables par une migration forcée, des personnes réfugiées. Ce n’est pas une provocation de la part de la Fondation Josefa, mais, simplement, la mise en œuvre de ce qui est sa raison d’être, ce vivre ensemble pacifié et enrichissant pour les uns et les autres, pour nous tous migrants.