L’esprit JOSEFA : Migration et regard

29 novembre 2012. Notre projet n’a, ni plus ni moins, que l’ambition de contribuer à construire un monde meilleur avec des hommes et des femmes, des familles, des partenaires, des entreprises de toutes tailles, qui, un peu partout, considèrent que le monde ne va pas si mal, mais qu’il pourrait sans doute aller mieux…

C’est donc une affaire de coopération, de partage et d’agir ensemble. Ensemble, avec ceux qui vont décider de cheminer avec nous, nous allons construire la Maison Josefa. Cette force qui nous habite, nous voulons la partager avec des personnes réfugiées qui, pour un temps, ont été rendues vulnérables.

"Nous sommes convaincus qu’une force jaillit de chacun, tout particulièrement de celui qui a dû s’engager sur le chemin de la migration contre son gré."

17 mars 2013. Au fil des jours qui passent, me suis-je suffisamment interrogé sur le sens de mon itinéraire ? Qui suis-je ? Moi-même ou un autre ? … A quoi me suis-je senti réellement appelé un jour de ma vie ? Il est possible que mon désir de « participer » à quelque œuvre d’intérêt public, génératrice de sens commun, n’ait pas jusque-là été sensibilisé au point de remettre en cause mon rapport au monde. Mais alors, pourquoi maintenant ? Il en est potentiellement ainsi. Lire ce passage c’est peut-être ce qui provoquera mon sens d’un autre possible. Au point de me demander à quoi et comment participer à la création d’un monde meilleur. Ce monde meilleur se fera petit, puis grand, à la mesure de mon désir d’en être, d’y participer.

15 juillet 2013. Josefa, comme un écho, laisse entendre, au sein de l’histoire de notre Humanité migrante, l’une et l’autre figure de personnes rendues vulnérables par la migration et enracinées dans une tradition singulière, à l’image de Joseph, au cœur de l’histoire biblique, qui connut un temps d’exil avec les siens, tout comme le patriarche son ancêtre.

Josefa, comme un geste, enfin, avec sa consonance féminine, expression radicale d’hospitalité.

18 décembre 2013. Favoriser la paix, en notre monde, c'est construire un vivre ensemble pacifié, entre personnes réfugiées et hôtes, tous résidents, au cœur d'une même maison, la Maison Josefa

18 décembre 2013. Si l’engagement solidaire façonne l’être, la transformation qui en découle conduit à voir que la seule règle qu’il importe radicalement de mettre en œuvre, c’est l’attention à l’égard d’autrui ; elle amène à comprendre l’essentialité des actes de proximité interpersonnels. Dans le « se retrouver ensemble », l’engagement entre « personnes vulnérables » expose alors au risque d’une transformation toujours plus vive... Il y a alors lieu d’articuler au mieux l’engagement éthique, qui relève d’une procédure délibérante au cœur même du monde, et un geste de conversion, qui relève d’un acte qui est une dynamique interne à soi, comme un acte de confiance, d’abandon. Ce déplacement intérieur conjugue activité et passivité de l’agir, engagement et conversion. Ce mouvement, par lequel un être se sent appelé à s’engager, se constitue sous la forme d’une transformation : ce destin joué dans le registre de l’évènement est avènement. De fait, la rencontre de la vulnérabilité d’autrui, et, en soi, de la sienne, favorise, en chemin, une véritable expérience humaine, vers un bouleversement des idéaux a priori, vers une joie nouvelle, indice de la présence d’un sens reçu et partagé.

17 mars 2014. Et si le plus beau défi de l’homme était de rendre ses pas économiques chemins de spiritualité ? … Et si le fruit du labeur en soi, en son économie, se faisait pérenne et durable, éthique, car spirituel ? Non pas comme un développement à atteindre, comme un objectif ou un résultat, mesurable par quelques index ou indicateurs préalablement bien pensés. Mais, bien plutôt, comme un itinéraire, à vivre comme une migration de soi à soi, au travers d’une économie ouverte.

L’économie en devient relation, rencontre, cœur de l’altérité. L’économie est simplement un « être avec », dont les fruits sont bons, car spirituellement profitables à une économie de marché(s) ; l’enjeu n’est plus le profit à dégager ou à obtenir, mais le profit est en soi.

L’esprit « philanthropique » des uns se voit ainsi bénéficiaire de la migration des autres, et, en cela, déjà, geste économique.

Une société qui inscrirait le travail ou le capital à l’aune d’une économie empreinte de spiritualité, rendant l’homme migrant hospitalier de lui-même, ne peut que vivre de ses ressources partagées. Notre challenge pourrait se résumer ainsi : migration et spiritualité, deux réalités, pour servir notre présent économique, au sens où elles sont « profitables » pour les générations à venir.

22 septembre 2014. Qu’en est-il aujourd’hui de mon regard sur autrui, sur moi-même ? Qui vois-je en celui qui veut me rejoindre sur « mes terres » ? Il est possible que je me sente, à vrai dire, peu ou pas concerné. Il est probable que j’évite ce regard nouveau qui me croise. Mais, si je m’arrête un tant soit peu dans mon itinéraire quotidien, ne suis-je pas invité, n’ai-je pas intérêt, à « faire chemin » avec celui qui croise mon regard, ma route ?

21 septembre 2014. C’est à cette conversion du regard et du comportement de chacun qu’invite la Fondation Josefa : convaincue que la rencontre et l’accueil réciproques, dans une parfaite réciprocité, si asymétriques soient-ils, enrichissent à la fois l’hôte qui accueille et l’hôte qui est accueilli, Josefa offre un toit à des personnes réfugiées qui, après avoir quitté leurs biens et leur famille, sont parvenues jusque « chez nous », à travers une migration souvent douloureuse et fragilisante, ainsi qu’à des ressortissants européens qui souhaitent partager leur existence et leur vulnérabilité respectives.

17 mars 2015. Et, dans cette voie, l’espace de prière et de méditation s’inscrit, certes, comme une invitation à se poser, à faire « silence », à se recueillir, à méditer, à prier, mais surtout comme un respect de la liberté de chacun dans son expression convictionnelle ou personnelle. Avant de penser ou de souligner l’appartenance confessionnelle ou religieuse, il s’agit d’abord d’honorer nos humanités en leur capacité d’intériorité selon un premier pilier Josefa : la dimension éthique exprimant le cheminement ensemble.

Un autre point essentiel, voire fondamental, pour Josefa, est la dimension esthétique. Le            « Beau » se voit comme vecteur d’Espérance. L’Autre se dit à nous. Certes, les nuances sont vastes en matière d’appréciation du Beau, mais un fond commun devrait appeler un consensus (une communion).

Le troisième pilier de la Maison Josefa est la dimension économique au sens où la maison est le cœur rayonnant de la cité, la « loi vivante ». Le cœur de la Maison Josefa, espace heureux de méditation, de prière, partagée ou non, veut vibrer selon les mêmes harmoniques fondamentales.

18 décembre 2014. Qui suis-je, pour oser parler, penser, objecter…, en matière de « migration » et d’« exil » ? Certes, je peux tenter de regarder, scruter ma propre « migration », mais au-delà est-ce encore possible ? En effet, comment dire la migration d’un autre, exilé, étranger, déplacé, à lui-même, à toi-même, à sa terre, à ta famille ?

Certes, nos migrations inter-agissent, s’en-visagent, se dévisagent, mais toujours singulièrement, de regard à regard, et pas au-delà. Je ne fais pas nombre, pas plus que toi, et ma migration me reste personnelle, même au sein d’un groupe de « migrants ». « Tous migrants », ensemble, au nom de nos migrations, singulières, parfois particulières, mais toujours personnellement « humaine ».

19 septembre 2018. Migration et spiritualité : dès lors, qu'offre l’actualité historique de nos migrations, entre autres contraintes ? Sans doute, a minima, de questionner une dialectique migratoire qui ne peut se soustraire, au fil du temps, à une tension permanente entre rupture et continuité au sein d’une inévitable hospitalité humaine. Hospitalité à vivre, à construire, librement, chacun vu en son unicité et, assurément, au bénéfice de tous : l’homme sert l’homme sur base de ce fondement : toi, comme moi, nous sommes tous migrants !