Je suis… ma migration

En ces temps de rentrées académiques, Josefa formule une invitation, une question que nombre d’étudiants vont d’ailleurs porter au cours de leur année : « Qui suis-je ? ».

Accepter ce jeu de l’introspection, c’est aussi accepter de regarder autrui pour tenter de se découvrir soi-même.

Sur cette voie défiante, pour soi, pour autrui, une proposition peut être de laisser résonner la voie de celui qui pourrait éventuellement me donner quelques clés pour porter plus avant ma question : l’exilé, le déplacé qui a laissé un peu lui-même, « chez lui », ailleurs.

Exilé, demandeur d’asile, réfugié, ce compagnon d’humanité, si la confiance est au rendez-vous, pourrait être une personne dont la parole, le silence, les gestes, le regard, en un mot, la présence, me donnent à plonger, à me déplacer, dans et autour de, cette fameuse question : « Qui suis-je ? ».

En effet, n’est-ce pas principalement, dans les moments de séparation, de deuil, d’exil que se voilent mes certitudes identitaires et que jaillit le soupçon, le doute, sur ma propre identité. Qui suis-je « encore » ?

Et, ainsi, écouter, celle et celui qui, au fil de sa migration, a dû cacher, enfouir, transformer, ajuster son identité, pour poursuivre plus avant son itinéraire vers l’asile, vers un avenir autre que celui envisagé, programmé, construit, éventuellement, par quelques années académiques ?

Certes, la révélation de cette proximité, de cette écoute de l’autre, en son exil, avec plus ou moins de joie, me donnera éventuellement à penser que « je suis mouvement », que je suis…migration.

Mais, l’enjeu est ailleurs : il ne s’agit pas de chercher le sens de la vie, mais celui de « ma vie ». Et, en quelque sorte, l’enjeu n’est plus d’obtenir une réponse, mais de me laisser traverser, cheminer, par des voies qui ensemble vont poursuivre leur œuvre de construction ou de déconstruction, en moi et autour de moi, avec moi, parfois sans moi ou contre moi, au péril de la vie, pour certains.

J’en deviens ce que je suis ; non pas en quête d’un attribut à mon sujet, mais, bien plus, vivant, en marche, au gré des rencontres, des croisements de chemin, des seuils ou des frontières qu’il m’est donné, librement ou sous la contrainte, de franchir.

Ensemble, avec d’autres, avec les autres, je suis… ma migration.

Gilbert